Vous
avez été nombreux à avoir voté pour Croque-Monsieur lors du 5ième
tournoi des nouvellistes. Pour cela et pour vous remercier de suivre
mon blog, je vous poste cette nouvelle juste ci-dessous afin que ceux
qui n'ont pas pu la lire puissent également en profiter ;)
Nouvelle
vraiment à part du recueil Contes et nouvelles fantastique livre
I, Croque-Monsieur est une fable
sombre avec une petite moral final.
Je vous dis bonne lecture
et au mois prochain avec un article actualité ou une autre nouvelle
(mais ne faisant pas partie du recueil cette
fois).
Croque-Monsieur
A
peine eut-il le temps d'appuyer sur le bouton de la sonnette que la
porte s'ouvrit. Sur le seuil, se tenait une ravissante créature
répondant au doux nom d'Amanda. Ses yeux étaient d'un bleu
pétillant de vie que l'on voyait dans si peu de regards à notre
époque. Elle attrapa la main du nouveau venu et sans rien dire,
l’entraîna au cœur de son antre :
«-Vous
êtes quelqu'un de ponctuel, chose rare de nos jours, complimenta la
jeune femme une fois que la porte
fut renfermée derrière
l'homme.
-
C'est une qualité qui m'est utile ; la preuve, aujourd'hui avec
vous je marque des points », plaisanta l'invité avec
un clin d’œil.
L'hôtesse
éclata d'un rire qui semblait être une mélopée toute droit sortie
des œuvres des plus grands compositeurs. Le nouveau venu portait des
lunettes et, pour l'occasion, avait coiffé ses courts cheveux bruns
avec du gel et s'était rasé la barbe. Alors qu'en temps normal, il
aimait bien se laisser pousser la chevelure et la barbe, cela lui
donnait un air d'artiste mélancolique, disait-il.
Le
salon, bien que petit, était coquet. On ressentait tout de suite
l'influence de la personnalité de la propriétaire. Des classiques
de la littérature étaient rangés dans une grande
bibliothèque ainsi que quelques
livres de philosophie :
« -
Je vois déjà que nous avons d'autres points en commun.
- Vous
aimez également la littérature ? s'étonna-t-elle.
Rassurez-vous, je suis sûre que nous allons très vite trouver
d'autres centres d'intérêts qui nous rapprocheront, du moins je le
souhaite. Mais asseyez-vous donc, je nous apporte
l'apéritif. »
L'homme
prit place sur le canapé, les jambes croisées de façon à cacher
son malaise devant cette femme qui l'intimidait. Quelques instants
plus tard, l'hôtesse revint avec deux verres de vin blanc à la
main. Elle en posa un en face de son invité, sur la petite table
basse et alla s’installer à côté de lui :
« -
Alors, allez-vous m'en apprendre un peu plus sur le mystérieux
inconnu qui est assis à mes côtés ?
- Je
n'ai malheureusement rien de mystérieux comme vous le dites,
expliqua-t-il, je suis un simple biologiste travaillant dans un
laboratoire en centre-ville. En dehors de mon métier, j'écris un
roman, que je rêve de voir un jour édité. Ma femme m'a quitté
depuis cinq ans et je n'ai jamais trouvé la bonne personne pour la
remplacer alors j'ai décidé d'utiliser internet afin de faire la
connaissance des célibataires dans la région. Et c'est à ce
moment-là que vous êtes entrée dans ma vie.
- Oui,
nous avons discuté jusqu'à pas d'heure avec nos mobiles, avant de
nous rendre compte que nos deux âmes étaient complémentaires sur
certains points et identiques sur d'autres ».
La
charmante jeune femme se leva pour préparer le repas. Ce n'était
pas la première fois qu'elle recevait un homme rencontré via des
sites de rencontres. Pour ne pas changer ses habitudes, ce soir
également, elle servirait des croque-monsieur.
« -
Et vous ?, demanda l'invité confortablement assis sur le sofa.
Vous ne m'avez encore presque rien dit sur vous et, je dois bien
avouer, je suis impatient de vous connaître.
-
Oh !, s'exclama-t-elle. Vous savez, je suis juste une caissière
à une supérette du coin qui rêve de trouver un jour son prince
charmant, qui viendrait la libérer de sa misérable vie et lui faire
découvrir le monde sur le dos de son cheval blanc. Et quelque chose
me dit que cela pourrait bien être vous...
- J'ai
dû vous faire une sacrée bonne impression alors, se félicita
l'homme. Vous n'aviez pas l'intention de m'impressionner avec le
dîner ? demanda-t-il en jetant un coup d’œil dans le coin
cuisine.
- Vous
allez être surpris, dit-elle confiante. Avec un plat des plus
simples, je vais vous épater.
- Avec
des croque-monsieur ?, demanda-t-il.
- Avec
des croque-monsieur, confirma-t-elle.
- Et
qu'est-ce qui vous rend si confiante ?, interrogea le gourmet.
- Tout
simplement l'ajout de mon ingrédient secret, révéla-t-elle avec
une expression intrigante.
- Et
quel est-il ?, demanda le biologiste.
- Si
vos papilles ne le trouvent pas, vous ne le saurez jamais, car je
n'ai pas pour habitude de donner ma recette. Tenez votre assiette »,
dit-elle en lui tendant le couvert.
Après
avoir bu une dernière gorgée du délicieux vin blanc servi par son
hôtesse, le biologiste attaqua aussitôt le dîner. La première
bouchée fut comme une révélation ; jamais il n'avait mangé
un croque-monsieur aussi délicieux. A croire que ce mets était
tombé de l'Olympe pour atterrir sur la terre des mortels.
D’ailleurs, celle qui l'avait confectionné n'était-elle pas une
déesse ? On dit que le goût d'un plat se fait ressentir
uniquement lors de la première bouchée et que les suivantes ne sont
que pure gourmandise. Cela était complètement erroné avec ce
fabuleux dîner. Il était vraiment impossible de ressentir une telle
sensation de plaisir. C'était comme si on était transporté vers un
monde meilleur, et dont nul ne voudrait
repartir. Malheureusement, son
voyage ne serait que de courte durée car il ne lui restait plus
qu'une bouchée. L'homme de science prit le morceau restant dans ses
mains, prêt à le porter à sa bouche mais quelque chose l'en
empêcha. Voulait-il revenir dans le monde réel ? Dans quelques
secondes, tout prendrait fin. Et contre toute attente, il engloutit
la part qui restait dans son assiette. C'est un peu bête,
pensa-t-il, que toutes ces sensations me soient données par un
plat aussi simple que le Croque-Monsieur.
Le
biologiste, toujours surpris, regarda la cuisinière d'un air si
ahuri que cette dernière ne put s'empêcher de rire aux éclats :
« -
Ce...c'était..., bafouilla-t-il.
-
Fabuleux, divin, grandiose, magnifique, splendide ? compléta la
femme de la maison avec un air amusé.
-
Plus ! C'était tout cela à la fois !
- Oui,
chaque fois on me le répète, expliqua-t-elle. Cela est dû à mon
« ingrédient-mystérieux ».
- Et
vous ne voulez toujours pas me révéler sa nature ?
- Ni
maintenant, ni plus tard », prévint-elle.
L'homme
se rapprocha de son interlocutrice, jusqu'à pouvoir sentir son
délicieux parfum. Ne ressemblait-il pas à l'odeur du mets qu'il
venait de déguster ? Sa peau aurait-elle son goût ? Il se
rapprocha toujours plus près, à un tel point qu'il pouvait entendre
les battements du cœur de la sublime créature qui se tenait à
seulement quelques centimètres de lui. D'ailleurs, n'avait-elle pas
redoublé de beauté depuis qu'il avait terminé son
Croque-Monsieur ? Contre toute attente, elle ne le repoussa pas,
au contraire, elle l'attira tout contre elle en l’enlaçant de ses
bras sensuels.
Ainsi
logé si près d'elle, le biologiste ressentait un sentiment
quasiment équivalent à celui qu'il avait eu lors de la dégustation
de son plat. Il l'embrassa doucement et pinça ses lèvres pulpeuses
avec ses dents. Ce geste coquin fit sourire la femme qui avait quitté
son rang de mortelle pour atteindre celui de divinité aux yeux de
l'homme. Elle déboutonna la chemise de son amant, tout en caressant
son torse viril. En réponse, celui-ci passa ses mains sous le
bustier de la femme, de façon à ce que ses mains puissent toucher
sa peau brûlante comme des croque-monsieur tout droit sortis du
four. Il défit ses vêtements afin de pouvoir la caresser en toute
liberté. Le biologiste était sous le charme de la femme sans avoir
vraiment la pleine conscience de ce fait. Tout ce qui comptait
désormais à ses yeux était de revivre les mêmes sensations qu'il
avait ressenties un peu plus tôt avec le Croque-Monsieur et
c'était bel et bien le cas.
Allongée
sur le canapé, tandis que son amant la couvrait de milliers de
baisers avec une passion brûlante, la femme sortit de sa cachette un
énorme couteau de cuisine qu'elle enfonça dans le dos de l'homme de
science. Celui-ci lâcha un hurlement qui fut aussitôt étouffé par
le baiser de la veuve noire. Elle enfonça sa langue au plus profond
de sa bouche afin qu'il ne puisse pas alerter le voisinage. L'homme
ne chercha pas à se débattre, malgré la souffrance et la peur
qu'il ressentait ; il ne pouvait se détacher de cette femme
qu'il aimait plus que tout : il était pris au piège. Il ne
comprenait pas pourquoi elle lui faisait subir ce supplice !
Peut-être était-ce un jeu érotique ? En réponse, il enfonça
ses ongles dans son dos brûlant.
La
femme donna un nouveau coup de couteau au même endroit, creusant
ainsi plus profondément la chair et ravivant davantage la douleur.
Elle plaqua la bouche de sa victime contre son sein gauche pour
étouffer ses cris. Comme tous les autres avant lui, il ne chercha
pas à s'enfuir, ni à se débattre. La recette marchait toujours
même après ces nombreuses années d'utilisation ! Elle tira
subitement la tête de l'homme en arrière et lui trancha la gorge.
Pendant que le flux d'hémoglobine s'écoulait
, la femme colla sa bouche contre la plaie et but le liquide
rougeâtre qui en sortait.
Lorsqu’enfin
toute vie eut quitté le corps, elle releva la tête et essuya le
sang autour de sa bouche avec la chemise de son défunt amant. Puis,
à l'aide de son fidèle couteau de cuisine, elle l'ouvrit en deux
pour en ressortir l'ingrédient fondamental de ses croque-monsieur :
le cœur. Elle le porta à ses lèvres
et but tout le sang qu'il contenait jusqu'à le rendre sec et
racorni. La femme le plaça alors dans un bocal qu'elle conservait
précieusement dans son armoire en attendant la prochaine proie qui
tomberait dans sa toile...
Un
cœur amoureux est dangereux pour celui qui le porte car il ne peut
discerner la dure vérité sur
la personne pour laquelle
il bat.
(Illustration de Mars : https://marschuunibyou.wordpress.com/)